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L'ASSOCIATION

La Qualité à l'épreuve de la quantité

28/2/2022

De la nécessité de changer de paradigme

En 2003, la Caisse Nationale d’Allocations Familiales créait la Prestation de Service Unique (PSU) avec un souci d’ajuster la facturation des familles au plus près de leurs demandes d’accueil mais aussi de leurs revenus. Dès cette époque, les associations dénonçaient l’inadaptation de ce mode de financement aux réalités des accueils et alertaient sur le risque d’optimisation, pour ne pas dire de rentabilisation, que cela allait engendrer.

Presque 20 ans plus tard, la course permanente aux heures réalisées, l’installation de badgeuses, le calcul de ratios, la chasse aux bonus… ont transformé les gestionnaires en comptables compulsifs, en agents de circulation, en spécialistes de Tétris, en pervenches contractuelles, en boucheurs de bouts de journée, en horloge parlante, bref en tout sauf en des professionnels de la petite enfance attentifs, disponibles et bienveillants.

Ajoutez à cela l’arrivée du privé lucratif, la pénurie de personnel, l’usure des professionnels au bord de la rupture, la surcharge administrative, les sollicitations permanentes, les injonctions paradoxales, des familles et des enfants qui ne vont pas bien et, cerise sur le gâteau covidé, des protocoles innombrables, inadaptés et incompréhensibles entraînant une perte de sens gravissime de nos projets et une situation financière catastrophique, et vous aurez tous les ingrédients d’une usine à gaz, prête à exploser …

Presque 20 ans après la mise en place de la PSU, nous constatons que tout le monde est perdant : les familles, qui se voient appliquer des tarifs de plus en plus prohibitifs ; les enfants dont les conditions d’accueil se dégradent ; les personnels, qui s’épuisent à accompagner des enfants de plus en plus nombreux et des situations de plus en plus complexes ; les gestionnaires qui passent leur temps à chercher à équilibrer leurs budgets, à recruter du personnel introuvable, à appliquer des normes et des règlementations pléthoriques… Cette ambition de simplification promise par Adrien Taquet s’est transformée en complexification.

Comment en est-on arrivé là ? Comment des mesures, a priori bien intentionnées, ont-elles été si détournées de leurs objectifs ? Comment la question des budgets a-t-elle pris le pas sur celle des projets ?

Pourtant, depuis de nombreuses années les voyants sont au rouge, les feux de détresse clignotent, les rapports s’accumulent, mais on diffère…

Les discours politiques nous endorment, nous font miroiter des étoiles mais ne nous laissent que leur poussière…

Attention à ne pas désespérer la petite enfance !

Et maintenant, on fait quoi ?

1. Qu’est-ce qu’un accueil de qualité

C’est d’abord un enfant accueilli dans des locaux adaptés, par des professionnels qualifiés et en nombre suffisant, avec d’autres enfants en nombre raisonnable, autour d’un projet réfléchi, partagé et évalué.

C’est ensuite un accompagnement singulier, ajusté aux développements et aux acquisitions de chaque enfant (chronos et kairos).

C’est aussi des parents associés à l’accueil de leur enfant (ouverture du lieu d’accueil, ateliers partagés, rencontres, écoute, soutien…).

C’est enfin un personnel bien traité, formé et disponible pour les enfants, reconnu et rémunéré à la hauteur de ses responsabilités.

Depuis plus de 30 ans, nous parlons de qualité d’accueil ; des réunions, des colloques, des commissions sont organisés dans tout le pays. De grands noms de la pédiatrie, de la psychologie, de la sociologie, ont consacré des pages et des heures à traiter de l’importance de la qualité de l’accueil.

Le rapport Giampino en 2016,puis celui des 1000 premiers jours en 2020 et enfin la charte nationale pour l’accueil du jeune enfant publiée au journal officiel en 2021 ont posé les bases de cette « nouvelle donne » à laquelle nous aspirons.

Alors pourquoi continue-t-on à nous opposer des critères quantitatifs d’optimisation des capacités d’accueil pour financer nos établissements ?  

Mais de quelle qualité parle-t-on ? Pierre Moisset, sociologue, distingue au moins 3 niveaux de qualité : économique (capacité à répondre aux contraintes professionnelles des parents), sociale (capacité à toucher et accueillir des publics précaires, en insertion, distants de l’offre d’accueil), éducative (capacité à mettre en œuvre des pratiques éducatives auprès des parents et des enfants).

On le voit bien, parler de qualité ne suffit pas, encore faut-il la définir, l’affiner, l’adapter aux situations. Elle mérite de s’attarder sur les détails, elle ne se satisfait pas de la généralité, elle ne se standardise pas : elle se particularise. Bref, la qualité nous oblige.

2. Concilier quantité et qualité : Les EAJE n’ont pas à être considérés comme des lieux de service, mais de co-éducation

On ne peut dissocier besoins des enfants et besoins des parents, qu’il faut considérer comme un tout. Ces besoins des familles s’expriment eux-mêmes sur un mode à la fois quantitatif et qualitatif.

Certaines familles sollicitent l’établissement sur des temps très importants (grandes amplitudes de travail importantes, temps de trajet longs), mais aussi, pour certaines, parce qu’elles se trouvent démunies face à leur enfant (d’où l’importance de l’accompagnement aussi des parents).

D’autres familles essaient de réduire le plus possible le temps d’accueil pour des raisons financières ou font appel à des solutions complémentaires(grands-parents, assistante maternelle, baby-sitter…)

Les listes d’attente sont longues et les familles sont amenées à « bricoler » en attendant une solution pérenne, ce qui n’est pas très sécurisant pour l’enfant.

L’arrivée du COVID a amené les familles à repenser leurs besoins en mode d’accueil (nouvelle organisation familiale, télétravail), mais aussi, face aux augmentations des frais d’accueil, à diminuer les amplitudes contractualisées.

Au-delà des accueils « ordinaires » où les 2parents travaillent, nous sommes confrontés à des accompagnements plus spécifiques de soutien à la parentalité, de recherche d’emploi, d’insertion, d’urgence, d’indications sanitaires, sociales ou judiciaires… Ces familles sont souvent isolées, cumulent les difficultés (sociales, financières, professionnelles, familiales…).

Les demandes dites « atypiques » ne font pas uniquement référence aux horaires, mais à la spécificité du besoin : nouveaux arrivants, rupture de mode d’accueil, relais grands parents, horaires de travail en alternance ou décalés, stages, formations, intérim, accueil occasionnel plus ou moins important selon les périodes de l’année (étudiants par exemple).

Par ailleurs, les demandes en cours d’année restent peu honorées et reportent à la prochaine rentrée, avec les problèmes de relais.

3. Une qualité malmenée par des injonctions paradoxales

Rigueur budgétaire, taux d’activité, coût de revient, sont souvent incompatibles avec nos priorités.

Les termes de « taux de remplissage », « ratio de présentéisme », de « coût horaire », sont plus fréquemment évoqués que ceux de bien-être de l’enfant, de bon développement, de sécurité de base, de socialisation, de soutien des parents, de lien social, de vivre ensemble, qui constituent le cœur de nos projets …

Proposer des accueils souples, sur des amplitudes élargies, afin de permettre de concilier vie familiale et vie professionnelle… Mais pour qui ? Pour les parents ?Et les professionnels, n’ont-ils pas eux aussi une vie de famille à préserver ? …

Accueillir des situations de plus en plus fragiles et complexes nécessitant des compétences et des disponibilités supplémentaires MAIS tenir des budgets qui sont gelés et parfois rognés.

Proposer des contrats au plus près des besoins des familles, d’adhérer à une charte de qualité de l’accueil du jeune enfant, MAIS respecter des ratios de présentéisme qui conditionnent nos financements.

Les compétences demandées aux établissements ont évolué, les demandes des familles se sont complexifiées, ce qui exige aussi de faire monter en compétence nos personnels :soutien à la parentalité (familles monoparentales, homoparentales, recomposées, immigrées) ; insertion, lutte contre la précarité et la pauvreté ;interculturalité, enfants porteurs de handicap ou à « besoins spécifiques » ; placement justice, prévention & protection de l’enfance.

4. La qualité a un coût mais elle n’a pas de prix

Nous attirons l’attention sur ce qui se joue aujourd’hui en matière d’accueil de la petite enfance, car il s’agit de l’avenir de notre société ! Il faut arrêter de penser la petite enfance en matière de coût. S’occuper d’un enfant ne coûte pas à la société mais lui rapporte. En effet, il faut considérer l’accueil de l’enfant comme un investissement sur l’avenir.

Le discours politique est parfois ambigu : oui à la qualité mais non à la revalorisation des budgets.

Un enfant bien accueilli et accompagné, sera un enfant épanoui à l’école et qui pourra affronter sa vie d’adolescent et d’adulte d’autant plus sereinement qu’il aura acquis cette sécurité de base dans sa tendre enfance.

Il est important de prendre réellement conscience de l’influence positive de nos actions sur la construction des femmes et des hommes de demain, et plus largement sur la pérennité de l’esprit collectif (citoyen) indispensable à notre société.

5. La petite enfance est devenue un marché : des établissements publics et associatifs confrontés à des appels d’offre, à des business-plan, à des établissements privés à but lucratif

Quelle place accorder à l’accueil collectif, quand les assistantes maternelles libres et les MAM ne coûtent rien aux municipalités ?

Quelle place accorder à l’associatif, quand l’arrivée du secteur lucratif remplace les financements publics par des financements privés défiscalisés ? Quelle place pour les valeurs de solidarité face à celles du marché ?

Quelle place accorder au réseau, au partenariat, quand des crèches « en KIT », venues de nulle part remplacent celles dont l’histoire les a inscrites dans un maillage local ?

Est-ce que l’économie sociale et solidaire, garante de ce lien social et d’emplois de proximité non délocalisables, est vraiment reconnue et valorisée par le politique ou n’est-elle qu’une variable d’ajustement de la mondialisation ? Se dirigerait-on vers la fin du monde associatif ?

Au moment où les exigences économiques prennent le pas sur les considérations sociales, où les notions de rentabilité deviennent prioritaires sur les démarches d’accompagnement, où le secteur marchand lucratif commence à pénétrer nos activités, où est la démarche citoyenne ?Celle qui consiste à identifier les besoins, imaginer des réponses, proposer des solutions, les mettre en œuvre dans le respect d’une bonne utilisation de l’argent public.

Nous sommes opposés à ce modèle usager / client, qui ferait du parent un consommateur de service en attente d’acquisitions performantes pour son enfant. Nous défendons le modèle partenaire / acteur qui fait du parent le premier éducateur de son enfant et du professionnel un co-éducateur, en soutien des parents.

6. La place des parents : co-éducation, collaboration, coproduction

Crèches sauvages, crèches parallèles, crèches parentales, EAJE à gestion parentale, quelque-soit le nom qu’elles aient porté au fil de leur histoire, ces structures associatives ont toujours revendiqué la place du parent dans les modes d’accueil. Autrefois considérés comme incompétents, les parents se sont positionnés comme porteurs de projets alternatifs en matière d’accueil de leurs enfants.

Ces lieux dépassent leur simple mission d’accueil pour s’inscrire comme des lieux favorisant le lien social entre parents, mais aussi entre parents et enfants.

Depuis le décret du 1er août 2000, la place du parent est inscrite dans les textes. Les structures associatives n’ont pas attendu ce décret pour faire figurer les parents en bonne place dans leurs projets. L’implication parentale se fait à plusieurs niveaux : gestion, partenariats, activités pédagogiques, sorties, temps festifs …. Cette implication se symbolise par l’adhésion, faisant que les parents deviennent un« corps représentatif » (sentiment d’appartenance).

Les EAJE associatifs s’inscrivent donc au cœur du vivre ensemble. Ce sont des lieux de citoyenneté, de solidarité, de lien social, d’entraide, de relations interculturelles. Mais leur contribution au lien social dépend de la place qu’y tiennent les parents. Cela est parfois difficile, compte tenu de la diversité des situations rencontrées (sociales, professionnelles, culturelles) mais l’établissement doit être à l’image du quartier dans lequel il est implanté.

7. L'impérieuse nécessité de professionnaliser et reconnaître les équipes : compétence et cohérence

Tout d’abord, dans les grandes villes, se pose, pour les professionnels, la question de la mobilité et du logement. L’éloignement entre lieu de travail et lieu d’habitation, entraîne des temps de trajet importants et constitue un frein important à l’embauche. L’impossibilité de trouver un logement à proximité de son lieu de travail à un prix raisonnable (les salaires proposés sont légèrement supérieurs au SMIC), contraint le personnel à quitter la ville, surtout à la naissance d’un premier enfant.

Certaines salariées sont même amenées à démissionner pour honorer un emploi dans des communes plus proches de chez elles qui se sont dotées de modes d’accueil face au développement de leur population. La difficulté de conjuguer vie familiale et vie professionnelle pèse en effet beaucoup sur l’implication des salariées, ce qui est un comble quand on défend cet équilibre pour les parents accueillis.

La complexité des demandes des familles et des besoins des enfants entraîne des sollicitations de plus en plus importantes auprès des équipes.

Accueillir toujours plus d’enfants (multi accueil, temps partiels…) demande de pouvoir les connaître tous ainsi que leur famille. Il faut apporter une réponse adaptée, la plus individualisée possible.

Sans compter les difficultés que peuvent rencontrer les enfants accueillis (handicap, violence, problèmes de comportement, carences diverses…). Si l’on rajoute les obligations de sécurité et les responsabilités qui en découlent, il est évident que tout cela nécessite un accompagnement des professionnels qui doivent être suffisamment nombreux, suffisamment qualifiés et suffisamment permanents pour assurer l’ensemble de ces missions.

Nous constatons un manque abyssal d’auxiliaires de puériculture : des postes restent vacants pendant des semaines. Nous devons aussi supporter la concurrence, notamment salariale et de statut, avec les municipalités. Il y a donc urgence à harmoniser les salaires.

Mais la question de la valorisation du diplôme n’est pas uniquement salariale. La profession est aussi en quête de reconnaissance de ce qu’elle apporte aux enfants et à la société. Il n’est pas anodin que les métiers de la petite enfance soient occupés à plus de 90% par des femmes. Parce qu’autrefois, il était normal que les femmes s’occupent des enfants ! Il faut aujourd’hui qualifier les professionnels de la petite enfance comme des travailleurs sociaux et se poser les questions du type de qualification et d’ouverture à d’autres métiers pour les ajuster aux véritables enjeux de l’accueil du petit enfant. Il s’agit, pour un professionnel, d’être en capacité permanente d’adaptation aux situations parentales : la présence, la disponibilité, les différentes formes d’expression (verbales et non verbales),les attentes multiples, l’organisation, la mobilisation et l’actualisation de ses ressources.

8. Des financements à réinterroger

Nous payons aujourd’hui, 20 ans après sa mise en place, les conséquences de la PSU. Les conditions de facturation à l’heure (et non plus à la journée), ont contraint les gestionnaires à compenser les heures perdues par des inscriptions supplémentaires, et les familles à négocier leur contrat au plus serré, par souci d’économie. Certes, la PSU a été fortement valorisée durant les premières années de sa mise en place, mais cela a souvent consisté en un jeu de vase communiquant avec les financements des Villes qui en ont profité pour ne pas augmenter leurs subventions.

La mise en place des ratios, puis des bonus (handicap, mixité sociale…) ont persisté dans l’inadaptation des prestations aux réalités des structures (quand elles ne produisent pas l’effet inverse de celui espéré).

Le gel de l’augmentation de la PSU en 2019 n’a pas plaidé en faveur de la qualité de l’accueil. Quant à sa revalorisation de 1% en 2020 et2021, nous ne pouvons que déplorer le tour de passe-passe de la CNAF consistant à la faire financer par les familles. En effet, le taux d’effort des familles a augmenté de 2,5% entre 2019 et 2021et le plafond de 19% dans la même période.

Sans la pression des associations face aux augmentations des prix et des salaires, la PSU de 2022 n’aurait dû être revalorisée à nouveau que de 1% (elle vient d’être réévaluée à +3%, ce qui est un signal encourageant mais qui reste encore loin des ambitions annoncées pour la petite enfance).      

Les Fonds Publics et Territoires ont le mérite de reconnaître la spécificité des projets et permettre un ajustement des moyens mais ces fonds ne sont pas pérennes.

Il faut donc abandonner d’urgence la tarification à l’acte et toutes ces prestations bonus et repenser un financement global fixant des objectifs précis en matière d’accueil de l’enfant et de ses parents.

Du côté des Villes, la mise en place de la PSU réinterrogeait les équilibres de financement CAF / Villes, orchestrés par les Contrats Enfance Jeunesse. Les Villes ont d’abord dû, par leurs subventions, compenser le manque à gagner de la PSU, puis ces subventions se sont gelées pendant plusieurs années, obligeant les associations à limiter leurs ambitions en termes de qualité d’accueil.

La différence de nature des financements, entre une prestation à l’acte (CAF) et une subvention à la place (Ville), ne facilite pas leur lisibilité. De plus, la nouvelle convention territoriale globale va permettre à la Ville de ne verser directement au gestionnaire que son reste à charge. Deux financements vont alors se dessiner de la part de la CAF :une prestation et une subvention.  

La participation des Conseils Départementaux dans le financement des modes d’accueil varie d’un département à l’autre, la petite enfance ayant été oubliée par les lois de décentralisation de 1982-83.

Nous déplorons enfin la différence énorme entre le montant des subventions et le prix de vente des places aux entreprises (jusqu’à 5.000 €d’écart par place). Cela contribue au flou sur le coût réel d’une place d’accueil.

Conclusion : de la nécessité de changer de paradigme

Il est maintenant urgent de prendre conscience des mutations de notre environnement :

  • les familles sont plurielles et expriment des demandes multiples sur lesquelles nous devons nous poser la question de la pertinence de nos réponses ;
  • malgré les prises de positions de personnalités comme Sylviane Giampino, Jean Epstein, Boris Cyrulnik, pour ne citer qu’elles, insistant sur la qualité de l’accueil et sur l’urgence d’une réflexion de fond, nous continuons à regarder la petite enfance par le prisme budgétaire ;
  • l’arrivée du privé lucratif a transformé notre secteur en marché où l’on parle d’appel d’offre et de mise en concurrence, où la rentabilité financière prime sur l’intérêt de l’enfant ; où les fonds privés remplacent les aides publiques, risquant de mettre à l’écart les plus fragiles :nos établissements ne sont pas des entreprises ;
  • travailler auprès d’enfants est un vrai métier qui demande des compétences (savoir -faire, savoir - être), qui nécessite d’être valorisé et dont la formation, tant dans ses contenus que dans le nombre de diplômés doit être développée.

Plus que jamais, il est temps de changer de paradigme et de se poser la vraie question : que veut-on demain pour nos enfants ?

La commission des 1000 jours a tenté de répondre à cette question et a fait des propositions pertinentes qui sont restées dans les tiroirs. Le décret du 30 août, qui était annoncé par Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et de la Famille, comme une grande réforme avec un cap clair : « celui de la qualité de l’accueil, telle que définie par la charte nationale de la qualité de l’accueil du jeune enfant » a fortement déçu les professionnels. Que de manque de considération, que de manque d’ambition, … Rien sur les augmentations des taux d’encadrement des enfants (1 pour 6 contre 1 pour 4 en Allemagne par exemple), rien sur la formation et la qualification des professionnels, rien sur la revalorisation des salaires et des statuts… seulement 6 petites heures d’analyse de pratique par an (non financées d’ailleurs !).

Quand allons-nous nous doter d’une véritable politique de la petite enfance, affirmant la haute responsabilité de la société envers ses adultes de demain ? Un euro investi dans la petite enfance, c’est 15 euros économisés pour la société affirment les économistes.

Pourquoi, dans les métiers de la petite enfance, trouve-t-on plus de 90% de femmes ? Posons-nous la question, à l’heure où l’on parle de parité…

Nous devons donc affronter cette crise multifactorielle :

  • crise de sens : quelle est aujourd’hui la mission des modes d’accueil qui voient menacer leurs valeurs de proximité, de partage, de rencontre ?
  • crise d’engagement : qui veut s’investir aujourd’hui dans des métiers qui ne sont ni reconnus ni valorisés à leur juste mesure et qui demandent une réelle implication personnelle ?
  • crise d’identité : quel est l’avenir des associations dans un environnement de marché où le coût de fonctionnement devient plus important que le bénéfice pour l’enfant ?
  • crise financière : comment faire évoluer les financements de nos projets vers des considérations plus qualitatives mettant en avant leur investissement social ?

C’est pourquoi nous réclamons maintenant :

  1. La création d’un véritable Service Public de la Petite Enfance (en repartant du rapport du 14 février 2007 et en garantissant l’accès à un mode d’accueil de qualité pour tous) ;
  2. La reconnaissance de l’utilité sociale des associations dans ce Service Public de la Petite Enfance (en insistant sur le caractère non lucratif de leur démarche) ;
  3. La remise à plat des modalités de financement des modes d’accueil (en garantissant leur pérennité et en abandonnant la facturation à l’acte) ;
  4. La réaffirmation des missions des modes d’accueil, (en s’appuyant sur les orientations qualitatives de la Charte d’accueil du jeune enfant et en soulignant la place principale du parent) ;
  5. L’amélioration des conditions de travail du personnel (en réévaluant les taux d’encadrement, en dégageant des temps de réunion et de ressourcement) ;
  6. L’engagement dans des actions massives de formation de professionnels de la petite enfance (en réinterrogeant les contenus adaptés aux missions définies et en créant une filière Petite Enfance et Parentalité dans la continuité du comité de filière présidé par E. Laithier) ;
  7. La valorisation des métiers(en assurant des salaires à la hauteur de leurs responsabilités avec de véritables perspectives de carrière).

Les citoyens ont besoin de « faire société »,c’est-à-dire de proximité, de convivialité, de sécurité, de qualité de vie(care / cure).

Ils recherchent du « lien » plutôt que du« bien » (F. Ruffin).

La vie de quartier, le partage, le vivre ensemble, le bon sens, sont des valeurs qui doivent reprendre force dans nos cités dont les associations sont les organes vitaux.

 

F. BILDET

Directeur Général

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