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Comment accompagner les situations de morsures chez les jeunes enfants

Publié par
Les psychologues
le
2/2/2023

Pourquoi l’enfant mord-il ?
  • Tout d’abord, les morsures sont une manière pour l’enfant d’entrer en relation avec les autres et de communiquer (déclencher une interaction, une réaction de la part de l’autre par exemple). En effet, le jeune enfant n’a pas forcément accès au langage et a des difficultés à maîtriser ses gestes et réguler ses émotions. Dans ce cadre, une émotion agréable (parcours de motricité) ou désagréable (en lien avec une frustration) très forte peut conduire à une morsure. En effet, le cerveau du jeune enfant est encore très immature, en particulier la zone qui lui permet de prendre du recul sur les situations et de réguler ses émotions (le cortex préfrontal et le cortex orbito-frontal dit cerveau supérieur). L’enfant peut ainsi être envahi de « tempêtes émotionnelles » qu’il n’est pas en mesure de réguler seul. Les « gestes agressifs » du jeune enfant découlent majoritairement de ce constat. L’enfant peut ainsi user de la morsure comme un moyen de décharge émotionnelle. Il est encore trop petit pour comprendre que mordre fait mal. Ce n’est que vers 4 ans qu’il est progressivement en capacité de se décentrer de lui-même pour comprendre les réactions de l’autre.
  • La bouche étant la partie de son corps qu’il maîtrise le mieux (découverte de différentes textures par exemple depuis tout bébé), cela constitue un outil de découverte sensorielle privilégié qui lui permet de se familiariser avec son environnement.
  • Les morsures peuvent également découler d’une gêne ou de douleurs au niveau des dents.
  • Les différents changements ou évènements au niveau du contexte de vie de l’enfant peuvent également induire un changement dans son comportement. Par exemple, un déménagement, l’arrivée d’un petit frère ou d’une petite sœur, ou encore un décès dans l’entourage peuvent donner lieu à des comportements inhabituels chez l’enfant (qui peuvent se traduire par un retrait par rapport au groupe, une agitation motrice importante ou encore des « gestes agressifs » comme des morsures).
  • Un besoin se cache généralement toujours derrière une morsure. Ainsi, l’enfant peut se saisir de ce comportement du fait de besoins insatisfaits qui peuvent être de différents ordres : besoin d’attention privilégiée, besoin de contenance, besoin de sommeil par exemple.

Il arrive que l’enfant qui vient de mordre regarde l’adulte immédiatement après la morsure. Ce comportement permet à l’enfant de s’appuyer sur les réactions de l’adulte (expression du visage, verbalisations associées) afin d’évaluer son comportement et les conséquences qui en découlent. C’est ce que l’on appelle la « référenciation sociale ». L’enfant peut également sourire à la suite de la morsure en regardant l’adulte, ce qui constitue pour lui une stratégie pour désamorcer la situation dans laquelle il est inconfortable. Il est ainsi important que l’adulte ajuste son expression du visage en lien avec les verbalisations associées, afin de ne pas créer d’ambivalence que l’enfant aura du mal à décrypter.

 

Comment accompagner les enfants face à ces situations ?

Il est important de reprendre le contexte de l’interaction et verbaliser auprès de l’enfant qui a été mordu, ainsi que de celui qui a mordu afin de les accompagner dans la gestion de leurs émotions. Ainsi, les professionnel.le.s peuvent expliquer à l’enfant qu’il a le droit d’être en colère, de s’amuser ou encore d’être triste (en fonction des observations qu’elles auront faites), mais qu’il peut le dire autrement (par exemple, en l’encourageant à dire « non ! » lorsqu’il n’est pas d’accord). Au fur et à mesure de l’accès au langage, les morsures devraient s’estomper.

  • Ne pas hésiter à montrer à l’enfant qui a mordu les marques de la morsure sur le corps de l’autre par exemple, ou leurs larmes qui coulent sur la joue de l’enfant mordu. Cela permettra progressivement à l’enfant d’associer son comportement et ses émotions aux conséquences qui en découlent (« Tu vois, Léo pleure parce qu’il a eu très mal » par exemple).
  • Un discours ferme porté par une voix douce et bienveillante permettra à l’enfant de s’apaiser dans sa « tempête émotionnelle » et d’être plus disponible pour échanger avec vous et entendre votre discours. Au contraire, lorsque l’adulte hausse le ton, cela risque de renforcer l’état d’agitation de l’enfant qui sera également en difficulté pour écouter l’adulte et réguler ses émotions. L’enfant va ajuster son comportement en miroir de la posture et du ton de la voix de son interlocuteur.

Privilégier les formulations et instructions positives plutôt que négatives, car l’immaturité du cerveau du jeune enfant lui permet difficilement de supprimer la négation.

  • Ainsi, au lieu de demander à l’enfant « ne monte pas sur la table », on peut lui proposer « Monter sur la table est interdit, c’est dangereux pour toi, tu pourrais te faire mal en tombant. Tu peux monter sur la structure » par exemple.
  • Privilégier le « stop » plutôt que le « non » pour stopper l’interaction. En effet, le « non » permet généralement à l’enfant de s’affirmer et se positionner dans la relation. Ainsi, en employant ce terme, l’adulte risque d’induire un rapport de force dans la situation. Au contraire, le « stop » permet un positionnement plus neutre de l’adulte et permet à l’enfant de comprendre progressivement qu’il doit arrêter son comportement.

 

Chercher le besoin insatisfait qui pourrait se cacher derrière la morsure.

Ce que nous évitons :
  • La morsure étant liée à l’immaturité du cerveau du jeune enfant qui a besoin de l’aide de l’adulte pour accompagner ses interactions, il est inutile de forcer l’enfant à dire pardon à l’autre, à le punir, le gronder ou encore l’isoler car ces actions n’aideront pas l’enfant à comprendre ses émotions, les conséquences de son comportement.
  • Eviter de centrer le discours sur la morsure, veiller à s’appuyer sur les émotions qu’il a pu ressentir dans ce contexte, et celles qu’à pu ressentir l’enfant qu’il a mordu.
  • Nous sommes vigilant.e.s à ne pas stigmatiser l’enfant comme enfant « mordeur », tant dans notre discours que dans notre pratique (être vigilant à ne pas cristalliser l’attention sur lui, ou encore échanger sur les morsures au sein de l’espace en présence des enfants). En effet, le regard des adultes sur l’enfant peut changer instinctivement ou progressivement le comportement de l’enfant.

 

 

Ce que nous mettons en place pour répondre à ces situations
  • Proposer des temps un peu plus individualisés avec l’enfant qui a mordu, en privilégiant le contact physique (le prendre dans les bras ou sur les genoux par exemple), ou en focalisant son attention sur différents supports comme lors d’un temps de lecture.
  • Privilégier les petits groupes d’enfants afin de leur donner l’opportunité de se sentir plus en confiance, dans un environnement plus contenant où les professionnel.le.s seront davantage disponibles pour répondre à leurs besoins. Au contraire, un environnement emprunt d’une forte agitation risque d’augmenter les risques de comportements « agressifs », notamment de morsures.
  • Proposer régulièrement aux enfants de participer à différents ateliers (peinture, pâtisserie, atelier sensoriel, parcours de motricité par exemple). Cela leur permet de focaliser leur attention sur une tâche. En effet, les morsures surviennent généralement dans un contexte d’excitation, de jeu libre ou de transition (avant le déjeuner par exemple, ou avant un départ vers une nouvelle salle). Les parcours de motricité et la cour sont particulièrement investis par les professionnel.le.s afin de permettre aux enfants d’extérioriser et décharger leurs émotions et leur agitation.
  • Les observations régulières des enfants dans différents contextes sont également réalisées par l’équipe. Les professionnel.le.s s’attachent notamment à identifier le contexte de la morsure (nombre d’adultes dans l’espace, nombre d’enfants, ambiance générale, cause de la morsure etc...). Des réunions sont également prévues régulièrement pour échanger sur nos observations respectives, afin de proposer un accompagnement adapté à l’enfant.
  • Favoriser au maximum la présence d’un adulte au sol. En effet, certains enfants sont très sensibles à l’agitation et aux mouvements. Ils recherchent régulièrement le contact visuel avec un.e professionnel.le en réponse à un comportement ou une situation, et s’appuient sur la réponse et le discours apportés pour évaluer les situations.

Ce que cela suscite chez les professionnel.le.s et chez les parents

Lors de la réunion avec les parents sur l'établissement de Gambetta, les professionnel.le.s ont notamment pu revenir sur la culpabilité qu’ielles pouvaient ressentir en lien avec ces situations (par exemple lors des transmissions aux parents le soir, ou au moment de la morsure), qui se produisent généralement très vite, malgré leur vigilance.

Certains parents, quant à eux, ont fait part de leur sentiment de frustration et de leurs interrogations face au constat de morsures contextualisées au sein de la crèche, mais absentes au domicile. Nous sommes donc revenus sur les raisons qui peuvent expliquer cela : vie en collectivité avec un nombre d’enfants plus conséquent, moins de relation individuelle avec l’adulte etc.

Nous avons également fait le constat de la nécessité d’accompagner l’enfant qui traverse ces situations de morsures par la répétition. En effet, les effets bénéfiques de l’accompagnement (à travers la verbalisation positive, une posture douce et bienveillante, la proposition d’alternatives au geste etc...) que nous mettons en place avec eux s’observent dans le temps. Il est nécessaire de répéter cette opération à plusieurs reprises afin que l’enfant puisse apprendre comment réguler ses émotions et comment faire face à ces situations autrement. Parents et professionnel.le.s peuvent ainsi parfois se sentir découragés de constater que ces comportements perdurent malgré tous les efforts mis en place.

Côté lectures 

A destination des parents :

 

A destination des enfants :

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