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L'enfant dans la fratrie

Publié par
Les psychologues
le
16/3/2022

Françoise Dolto aimait à dire que c’était une grande chance pour le premier enfant d’avoir un frère ou une sœur, même si cela semble parfois difficile à vivre. Elle voulait dire par là, que le parent allait devoir se décentrer du premier et donc le soulager d’un investissement parfois trop lourd !! Pour Marcel Rufo, « la fratrie offre une extraordinaire opportunité pour se dépasser, progresser et se construire ».

 

La famille est le premier groupe social dans lequel vit l’enfant, c’est là qu’il va trouver sa place, apprendre les bases de la socialisation, d’abord face à un ou deux adultes, puis avec un ou plusieurs enfants du même âge ou d’âges différents.

 

L’enfant apprend à se situer dans un lien d’attachement, face à des images maternelle et (ou) paternelle, ses premières figures adultes d’autorité.

C’est, ensuite, au contact de ses frères et sœurs, qu’il apprend à se situer avec un autre enfant, dans le même environnement qu’avant et c’est là qu’il va découvrir ou redécouvrir la notion de rivalité sur le plan affectif dans la relation aux parents d'une part et au territoire, qu'il faut partager. En se confrontant à sa fratrie, dans premier microcosme social, il va apprendre les prémices de la relation à l'autre.

 

Dans cette cohabitation précoce avec un autre qui lui ressemble, il se joue des effets de miroir et de différenciation pour l'enfant. Il peut imiter d’abord, se comparer, être complice, jouer, développer de l’intérieur de cette sphère familiale toutes les compétences relationnelles dont il aura besoin à l’extérieur. Les frères et sœurs ont des compétences complémentaires en réalité.

La question de la rivalité est signe d’un sentiment de déstabilisation, vécu ponctuellement par l’enfant encore immature, dont les repères changent et qu’il est important de reconnaitre pour mieux rassurer l’enfant et lui permettre d’accepter cet autre comme une chance et non comme une menace.

La rivalité est un processus universel, ça n’est ni bien ni mal chez l’enfant. Malheureusement, on en constate encore les séquelles dans certaines familles dont les adultes n’ont pas réussi à résoudre leur sentiment de jalousie d’enfance avec leur frère ou leur sœur. Ces sentiments peuvent parfois venir interférer inconsciemment dans la façon dont le parent va réagir aux manifestations éventuelles de son enfant.

 

Déstabilisation : les repères de l’enfant sont bousculés dans sa réalité : « qui es tu toi qui viens sur mon territoire ? toi qui me prend ma maman, mon papa, qui me dérange ? »

Ce ressenti est normal, très primaire, avant même d'être mentalisé. L'aîné voit son environnement perturbé par l'arrivée d'un bébé, et le plus jeune découvre, lui aussi, en grandissant, qu'en réalité, il n'est pas seul avec ses deux adultes attentionnés.

 

Cette nouvelle relation est teintée d’ambivalence (je te veux, je ne te veux pas). On n’empêchera donc pas les mouvements de jalousie entre frères et sœurs. On ne peut donc pas demander à un enfant d’aimer son frère ou sa sœur juste parce qu’il est là, de même qu’il ne viendrait pas à l’idée à une sage-femme de dire à une femme qui vient d'accoucher, « voilà votre enfant, aimez le !», alors que toute relation est une découverte mutuelle, un processus d’adaptation à l’autre,« d’apprivoisement  mutuel » qui prend du temps.

 

Il est important que les parents acceptent de leur enfant ces mouvements émotionnels contradictoires. L‘adulte n’empêchera pas que l’enfant exprime plus ou moins des signes de détresse temporaires, par des manifestations émotionnelles primaires fortes, des pulsions, des changements de comportements, des petites régressions, comme à chaque étape de son développement.

L'expression émotionnelle peut être considérée aussi comme une marque de confiance, l'enfant se décharge et compte sur le parent pour accueillir cela et restaurer son sentiment de sécurité.

 

On observe que ces compétences fraternelles dépendent de plusieurs facteurs : de la place de l’enfant, de son tempérament et aussi de l’éducation qu’il va recevoir, c'est-à-dire de la façon dont le parent lui-même a vécu ses relations fraternelles et accepte les manifestations de jalousie ou de régression de son enfant.

Souvent, l’aîné est surinvesti par les parents, c’est le premier, celui qui crée le parent et sur lequel plus ou moins consciemment, ceux-là mettent tous les espoirs, attentes, projections. L’investissement parental évolue aussi avec le nombre d'enfants.

Par ailleurs, des parents peuvent être désappointés de constater que les enfants ne se ressemblent pas, il va falloir se réadapter à un autre, à nouveau. Un deuxième enfant c'est aussi une première fois pour les parents, on passe de 3 à 4 personnes dans le groupe.

                                                         

L’arrivée d’un deuxième enfant est le fruit d’une décision d’adultes, et non de l’enfant comme le manifestent certains enfants au cours de la période oedipienne, entre 3 et 5 ans (« je veux un petit frère »). Première prise de conscience de l’existence de l’autre, le père, et non plus seulement la mère, avec qui l’enfant était en relation fusionnelle. La rencontre avec le frère ou la sœur imaginaire dans la réalité est parfois difficile, c’est le bébé du couple parental, pas le sien.

 

En effet, plus l’enfant est jeune, moins il a la capacité de comprendre ce qui lui arrive même si il pressent les choses, elles manquent de sens pour lui.

Il entend parler d’un bébé qui va venir, qui ne vient pas, et qui monopolise beaucoup les conversations des adultes. Il n’est donc plus le centre du monde, fantasme prioritaire de la petite enfance, surtout pour le premier enfant. Ses repères sont bousculés.

 

Cette situation peut le plonger dans un état d’insécurité, de stress. Le temps qu’il intègre que tout va bien pour lui, qu’il n’y a pas de « danger », il peut manifester, plus ou moins des comportements régressifs, ralentir ou arrêter son processus de « devenir grand » : Il ne veut plus manger seul, il ne veut plus s’habiller seul, il se réveille la nuit, réclame sa maman ou lui manifeste son rejet, il ne joue plus ou joue moins, il ne parle plus, il ne veut plus aller sur le pot…

 

Comment aider un enfant à accepter ou s’adapter au nouveau venu ?

  • En parler mais pas trop, ni trop à l’avance, l’enfant vit au présent alors que l’adulte est déjà au futur, dans la projection de l’arrivée du nouvel enfant. Lui parler avec des mots simples, tout en lui garantissant que rien de change pour lui. Le très jeune enfant n'a pas encore les moyens cognitifs de se projeter, il manque d'expérience et donc d'images mentales.
  • En lui témoignant toujours autant d’attention qu’avant, pour le rassurer sur ce lien affectif fondateur et pour l’aider à mettre en place une continuité entre avant et après l’arrivée de l’enfant. Préserver ses repères et du temps seul avec lui, comme avant.
  • En acceptant et en accompagnant les manifestations émotionnelles inévitables, ou de régression transitoire, signe de déstabilisation et de tiraillement, faire comme le bébé ou comme les grands ?
  • On peut aussi lui montrer que grandir a des avantages, en le responsabilisant un peu, en valorisant son autonomie, quand il veut faire comme les «grands »

En résumé, l’arrivée d’un deuxième ou d’un troisième enfant est avant tout un évènement, assumé par les parents, qui va provoquer un changement réel dans l’environnement de l’enfant qui est déjà là, et rompre l’équilibre familial pour créer un nouvel équilibre. On peut s’attendre à ce que l’enfant s’inquiète, manifeste son malaise, transitoirement ; il est donc important de reconnaître ses manifestations, de les contenir et de le rassurer en préservant ses repères et ses habitudes, de cette façon ses parents lui donnent une preuve évidente que l’amour que ses parents lui portent n’a pas changé pour autant !

 

Isabelle Lelouvier

Psychologue de l'établissement de Gambetta

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